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ÎLE D'YEU

Port-Joinville

Pour ne rien changer à des habitudes qui me pèsent, me voilà à partir en toute dernière minute à l’opposé de ce que j’avais prévu, en fait rêvé. Je voulais de la neige ou, au pire, de l’exotisme. Un voyage lointain pour célébrer le probable dernier gros voyage en famille. Les anciens vieillissant plus que nous, les plus jeunes bientôt libérés ou perdus dans le monde étudiant. Je travaillais au corps la famille pour essayer d’apprendre un mot : l’anticipation. Depuis au moins 6 mois, je vérifiai les vols pour Phoenix, le Japon ou la Norvège. « Au pire, nous irons en Inde » avançait ma sœur. Pas de passeports, rendez-vous médicaux, le loin devint du proche, le rayon d’action diminuant jour après jour. La neige peu assurée dans les massifs, je proposai l’île d’Yeu. Une petite île au large de la Vendée, un sentier du littoral, pas de voiture, facile à organiser, une météo favorable. Billet le samedi pour un départ le lundi. Du classique. Le logement réservé, une vérification des emails nous met un peu en panique. Un rendez-vous médical qu’on ne refuse pas bloque notre ainée le mercredi à Bordeaux. Alors nous créerons deux groupes, Caroline et les filles partiront devant, le lundi. Thierry et moi accompagnerons la malade avant de foncer en Vendée. Cinq heures d’autoroute dans les paysages déprimant du  pays Niortais, au pied des éoliennes. Terminus de la route à la Barre des Monts, au pied du pont pour Noirmoutier. Gare maritime en forme de hall d’aéroport, avec dépose bagage, hall d’embarquement et tunnel. Loin des quais glissants des ferrys d’Ecosse. Bateau rapide, sans âme, interdiction de se lever. Le TGV des mers nous laisse en 40 minutes à Port-Joinville. D’entrée, je suis happé par l’ambiance. Le port est charmant, sombre, avec quelques façades éclairées. L’impression d’arriver sur une île vraiment hors saison. Les locaux débarquent et les quais se vident en quelques minutes. Quelques vélos rouillés, accrochés à l’année, un ou deux taxis. Nous marcherons une vingtaine de minutes, le long d’une rue calme pour rejoindre Ker Chalon, petit village où nous attend notre jolie maison basse, blanche aux volets bleus. Je parle de village mais aujourd’hui la quasi moitié de l’île est urbanisée, les villages se mélangeant en un seul et unique lotissement géant. Et pourtant le charme opère. 30 000 habitants l’été, 4 000  l’hiver. Les parisiens sont partis, nous vivons avec les locaux. Nous ne croiserons pas d’autres familles de touristes. Je m’endors serein.



PARCOURS:
Nous avons réalisé le tour de l'île en étoile depuis Ker Chalon. 3 belles journées de marche, du 5 au 9 mars 2025.

NIVEAU:
Facile. Le sentier du littoral convient à tout le monde.  Pas de grosses montées ni de falaises. Une île plate. Bien sûr on peut visiter chaque pointe et chaque rochers, allongeant d'autant la sortie du jour. Prévoir 40 à 50 minutes aller pour rejoindre la côte parfois lorsque, comme nous, nous visitons l'île en étoile depuis une base.   


ORGANISATION:
Une carte et des jambes suffisent. Sentier très bien balisés sur la côte. Logement très facile à trouver hors saison. Ferry loin d'être complet. Tout est très simple en mars. 


Port-Joinville

JOUR 1 :  En route pour la Pointe du But 


Depuis notre pittoresque village déserté, l’océan est tout proche, à une centaine de mètres. Quel plaisir de rejoindre les rares promeneurs et leurs chiens le long du littoral ! Belle plage de sable de Ker Chalon. Caroline et Alice près du phare pour une sortie cheval, nous partons avec Thierry pour rattraper le temps perdu sur le sentier côtier. Un peu avant le port de plaisance, quelques maisons chics mais bien moins ostentatoires qu’à Quiberon par exemple. Le port lui-même me semble moins m’as-tu-vu que celui de Port Haliguen. Trois beaux bateaux de pêche à quais apportent le cachet que j’attends de ces lieux maritimes. 



Port-Joinville


On sent ici que le port vit, s’anime, autrement que pour les continentaux. Un gros navire de fret charge et décharge. Juste à côté, la conserverie de l’île d’Yeu, la dernière d’une longue histoire, fume encore ses maquereaux et ses thons, acte visible de derrière les vitres, et met ses sardines en conserve. 




Port-Joinville

La ressource est parfois lointaine, l’île était jadis le plus gros port thonier de France et ses eaux riches en sardines. Temps révolu, la conserverie, rachetée par une entreprise des Sables-d’Olonne, demeure. 

Tout donne envie et nous ne cédons pas longtemps à l’acte d’achat. Port-Joinville, en matinée, m’apparait aussi charmant que la veille. Un heureux mariage de façades anciennes où rien ne me choque. Les vendeurs de souvenirs et de glace sont peut-être cachés en cette saison. Quelques ruelles, avec le boulanger, le boucher. Les commerçants nous assurent tous que nous avons fait le bon choix d’éviter l’été. Je me retrouve un peu à Lerwick, sur les Shetland. Je n’aurais cru cela possible au large des barres d’immeubles horribles de la Vendée. Beaucoup de panneaux avec cartes postales d’époque expliquent le passé maritime de la ville. Finalement, on reconnaît bien les lieux. Un bon point pour moi. 


Île d'Yeu

Tout près de l’héliport (où est Tom Cruise?), un des derniers bateaux thoniers à cul rond, tout à côté de l’ancien hangar du  bateaux des sauveteurs en mer du Cross d’Etel. Souvenirs de Goury, à la pointe de la Hague. Non loin, un bâtiment industriel, siège d’une des dernières conserveries de l’île. Saupiquet ! C’était là. J’apprécie vraiment la promenade. Le sentier nord -ouest longe la mer, plat et discret. Très beau temps, de jolies vagues et du vent. 


Île d'Yeu

 

Quelques locaux en marche rapide. Quelques dolmens, de petites plages et nous arrivons à la Pointe du But. Eperon rocheux le plus à l’ouest de l’île, équivalent de la pointe des Poulains sur Belle-Île, non loin, plus au nord. Le parallèle est frappant. 

A 300 mètres au large, Les Chiens Perrins, un îlot rocheux témoin, comme toute la zone de nombreux naufrages. 



Île d'Yeu

 Des panneaux racontent les échouages les plus marquants, plusieurs centaines d’épaves gisant dans les parages. Une Corne de Brume y est installée dans une petite maisonnette ouverte au public. Intérieur sobre et exposition sur les belles plongées du coin et l’histoire de cette corne, reliée au Phare, à près de 2 kilomètres de là. Construite en 1895, elle fonctionna jusqu’en 2000. Le sentier se poursuite sur la côte sud, dite sauvage. De belles vagues, du vent. Pas la tempête mais assez d’écume pour nous impressionner. 

Citadelle Yeu

Le sentier longe l’aérodrome où un avion et un hélicoptère s’entraînent à se poser et à redécoller par grand vent. Nous rentrons ensuite par les terres, vers le Grand Phare, que l’on ne visite pas. Par des sentiers très humides, nous rejoignons la Chapelle Notre-Dame-de-la-Paix, petite et bien restaurée en bordure de route, puis la Citadelle du XIXème siècle, célèbre pour avoir hébergé le Maréchal Pétain, de 1945 à 1951, année de sa mort. Entourée de forêt, on y entre par un pont et une porte monumentale. J’apprécie toujours ces lieux militaires. Probablement par contraste, parce que je n’y ai pas vécu. J’imagine la vie des soldats, l’enfermement, l’attente. Je les entends défiler, chanter, jouer aux cartes. Peut-être mes souvenirs de mes 10 mois de caserne pour servir mon pays. Celle-ci héberge un tas d’associations : bridge, pétanque, questions pour un champion etc. Drôle de sentiment devant ce lieu historique désaffecté, témoin de notre histoire récente et occupé pour les loisirs îliens.


Une très belle première journée sur cette île attachante et authentique... en cette saison.

Île d'Yeu, tombe de Petain

JOUR 2 :  Le Vieux Château et le Port de La Meule


Nous commençons la journée par un transfert assez long (40 à 50 minutes) et globalement peu intéressant pour rejoindre le sentier du littoral où nous l’avons laissé la veille, vers la plage de Ker Daniau. Sans transport en commun, un tour de l’île fractionné oblige des allers et retours vers notre base de Ker Chalon. Je m’en accommode sans soucis. Passage obligé, en route, devant la tombe du Maréchal. Sobre, blanche, entourée de cyprès et bien identifié dans le cimetière. Bizarre de se retrouver si proche de cette figure immanquable de nos cours d’histoire. Le petit village de Ker Chauvineau s’arrête à moins d’un kilomètre de l’océan. Je ne sais pas ce qui a freiné l’expansion des lotissements : protéger la nature, le climat exposé ? Il reste encore une bande verte sur la côte sud. Pour combien de temps ? 



Île d'Yeu


Sur la pointe du Châtelet, escarpée, nous observons les déferlantes s’écrasant sur les rochers. Un spectacle dont on ne se lasse pas. Une répétition heureuse. Sans lassitude. Un calvaire en hommage aux marins expose une proue vers le large. Seuls, nous avançons avec Thierry vers la plage des Sabias





Le reste de la famille, malade ou fatiguée, restera plus ou moins dans la maison aujourd’hui. La plage est déserte, quelques petites constructions en bois, une maison. Assis sur un banc au soleil, je profite de ce bol d’air exclusif. Comment serais-je au même endroit en plein mois d’août ? 


Île d'Yeu, Vieux Château




A moins de 500 mètres de là se dessine le profil rugueux du Vieux Château. Tout droit sorti d’un roman britannique d’heroic fantasy, entre Ecosse et Pays de Galles, il trône construit sur un rocher abrupt, entouré de douves, les fortifications vers la terre, une attaque par mer étant impossible. Quel cachet ! 




Fermé aux visites en cette saison, nous prendrons notre déjeuner devant ses parois, entourés des goélands. Aucune présence humaine à la ronde. Un très beau moment, sous un beau soleil.



Île d'Yeu, Port de la Meule

Le sentier se poursuit vers une ancienne carrière, comblée en un petit lac où se reposent les oiseaux de mer.  Un peu plus loin, le Port de la Meule nous accueille. Un endroit vraiment original. Une échancrure très étroite, tordue, renforcée à sa base avec un muret de pierre, et voilà un port original. Très peu de monde, un bar fermé, des cabanons alignés et toujours autant de cachet. Un petit abri avec des photos de pêcheurs en noir et blanc, des filets, une cale de mise à l’eau, un bateau. J’adore. Je me croirais dans les Cornouailles, hors du temps. Au dessus, une chapelle toute nette, Notre-Dame-de-la-Bonne-Nouvelle, fermée veille sur l’abri. Protectrice des marins, elle fait partie des plus vieux édifices de l’île ! 




Île d'Yeu, Port de la Meule

Bâtie vers 1040 par les moines, elle reste aujourd’hui un lieu de pèlerinage pour les marins et un amer permettant de voir l’entrée du port, invisible depuis le large.


Un peu plus loin, sur le site de la Pierre Tremblante, nous nous amusons à grimper quelques rochers pour profiter d’une vue panoramique sur les quelques falaises, l’océan agité, à la recherche d’oiseaux rares. A part quelques fous de Bassan, rien de bien original pour moi.

A 500 mètres du port, une nouvelle plage, celles des Fontaines, où l’on décide de rentrer. A la différence de Malte, mon dernier voyage, l’île d’Yeu, offre bien plus de sable que le rocher méditerranéen. Même la côte sud, dite sauvage, permet la baignade, quoique souvent dangereuse.



Île d'Yeu

Nous remontons plein nord vers Saint Sauveur, par de petits chemins blancs, longeant le sémaphore, qui m’apparaît bien vide. Le village atteint, je remarque le cachet des petites maisons blanches, autour d’une belle église romane. Quelques commerces surprenant maintiennent la vie : un petit bar semblant fermé qui ne l’est pas, un vendeur de vins et spiritueux(!), une petite épicerie bien achalandée. Bien plus agréable qu’un Casino à Cenon. Ici, de l’huile en vrac, des produits locaux… Pas une épicerie fine mais quand même une clientèle exigeante, en méhari. Impression de vivre dans une bulle de privilégiés sans le luxe de Quiberon.


Une très belle journée, sous le soleil et en plein vent. Une île secrète et authentique en plein hiver, avec même un petit côté britannique que je n’ai pas ressenti sur Belle-Île.

Île d'Yeu

JOUR 3 :  Petit port desVieilles, Pointe des Corbeaux et longues plages de l'est


Temps nuageux ce matin. Quelques gouttes. Nous repartons vers Saint Sauveur faire le plein à la boulangerie. Nous testons la tarte aux pruneaux, spécialité locale. Certes nous marchons le long de routes, mais cela reste agréable sans trafic. 

L’église du village me semble bien grande pour une île. Belle fresque très ancienne à l’intérieur, ainsi qu’une vitrine riche en objets religieux. Rejoindre le sémaphore, la plage des Fontaines et reprendre enfin le chemin où nous l’avons laissé la veille. 


Île d'Yeu, Port des Vieilles



Le sentier nous conduit à la Pointe de la Tranche, toujours dans une ambiance me rappelant l’Irlande. Eperon rocheux d’où l’on observe la houle, moins forte que la veille. 

Le petit port des Vieilles, un peu plus loin, est vraiment minuscule. 


Un bateau, des casiers et toujours personne. J’apprécie vraiment ces endroits déserts. La côte commence alors à changer d’aspect, un peu moins sauvage, plus proche des maisons, très jolies et d’apparence modeste. 



Phare des Corbeaux


La plage des Vieilles, surveillée en saison, nous attend pour un pique-nique très agréable, dans une petite échancrure, sur les galets. Plaisir d’observer l’océan, les oiseaux dans le calme. Après une sieste digestive sur le sentier, allongé dans l’herbe, nous atteignons la Pointe des Corbeaux et son phare blanc et rouge à la pointe sud-est de l’île. 


Le site est agréable et marque la transition entre la côte sauvage et l’immense côte est, couverte de superbes plages au sable jaune foncé. Le paysage est vraiment très beau, sans aucun touriste ni pollution. 



Île d'Yeu


Un sentier suit la plage en lisière de forêt. Plutôt sauvage et vraiment dépaysant. De gros rochers me font même penser aux Seychelles. Parce que je n’y suis jamais allé probablement.  Nous remontons ainsi jusqu’à Ker Chalon, croisant quelques locaux avec leur chien, observant les oiseaux, longeant de beaux jardins et de belles maisons. 



Les parents de Gradignan terminent leur journée fatigués. Thierry ralenti par des ampoules et une périostite. Caroline qui pense avoir marché 50 kilomètres au lieu des 18 officiels.


Île d'Yeu

       


                                                                                            Pour d'autres photographies du séjour, cliquer ici


CONCLUSION

Yeu

Une merveilleuse surprise. Comment s'imaginer, se promenant au  pied des immeubles bétonnés de la côte vendéenne que se cache au large un bout de terre aussi charmant? Bien visible pourtant, mais si lointain. Le contraste est saisissant entre une partie continentale sans âme et une atmosphère immédiatement enivrante , une fois posé le pied sur l'île. Ce commentaire se veut daté, il l'est avec force.  Nous avons profité d'une île hors saison, véritablement avec les locaux, ce qui change la tonalité de nos ressentis. J'adore ces ambiances entre les foules, les volets fermés, le silence, les plages désertes, les ports endormis. Une image d'un temps calme, quand les densités touristiques n'écrasaient pas les côtes et les ports.  Le côté historique fort, la Citadelle ou encore le Vieux Château, combiné à l'industrie de la pêche, aux paysages variés et troublants, comme ces plages immenses de sable ocre, tout cela mélangé dans la bouteille à souvenirs, fit un beau breuvage ...au bar des marins. 


LE POUR : la hors saison, le cachet des maisons, l'absence de touristes, la vie locale, l'histoire, le sentier du littoral, le charme du port, la conserverie, notre location à Ker Chalon.


LE CONTRE : les traversées à pied pour rejoindre la côte pour celui qui veut, comme nous, marcher tout autour de l'île depuis une base, l'absence de transports en commun en cette saison. 




LE  SEJOUR EN 5 COUPS DE COEUR :

- marcher le longe des plages de l'est, aux couleurs incroyables.

-  arriver à pied au Vieux-Château, sur le sentier du littoral.

- observer les photos d'anciens pêcheurs au port de la Meule, endormi.

- visiter Port-Joinville et ses commerçants accueillants. 
- se plonger dans l'histoire du XXème siècle dans la Citadelle.